Rassemblement républicain contre l'antisémitisme du 21 juin 2024
Publiée le vendredi 21 juin 2024Mesdames et messieurs,
C’est avec une vive émotion que je m’adresse à vous, ce matin, à l’occasion de ce rassemblement républicain, moment d’unité pour la commune que je représente, mais aussi pour la nation tout entière et singulièrement pour la communauté juive.
Vous êtes nombreux à avoir répondu présents à ce moment solennel. Mesdames et Messieurs qui représentez chacun en vos fonctions et qualités la grande mosaïque de notre République française, recevez mes remerciements. Votre présence apporte une chaleur immense, et je vous en suis infiniment reconnaissant.
Ce viol a ému tout Courbevoie, et bien au-delà de notre commune. Car à l’horreur du geste s’est ajoutée l’infamie du motif, l’antisémitisme.
Dans votre présence massive, je vois l’envie commune de se révolter de toutes nos forces.
Et dans votre présence, je vois aussi une société qui souhaite avant tout apporter son soutien à une jeune fille. Et à sa famille.
Un viol est un viol. Subir un viol en réunion, c’est voir une vie brisée et en tant que maire de cette commune, je ne formule qu’un voeu : que cette jeune Courbevoisienne de 12 ans, cible de tant de haine, cible d’une violence physique, morale et mentale incommensurable, devienne un jour une femme forte, indépendante, libre : pour renaître.
Je souligne le courage immense dont elle a fait preuve en parlant à ses parents, à la police, à la justice, des actes ignobles qu’elle a subis, alors-même que ses agresseurs la menaçaient de mort pour faire taire les atrocités commises, me font dire qu’elle est animée d’une rage de vivre, et d’un esprit de revanche sur la vie. Je lui renouvelle mon soutien inconditionnel.
Depuis 29 ans, je suis le maire de tous les Courbevoisiens, c’est une vocation, je ne veux pas dire une paternité. Et pour cette raison, j’appelle au calme.
Au calme médiatique, car cette jeune fille et sa famille Courbevoisienne, je le crois, ont besoin de silence, pour retrouver la paix et se reconstruire. Les journalistes ont fourni un travail d’information de qualité, et je les remercie de leur fiabilité. Il est temps désormais d’oeuvrer, à l’ombre des caméras, pour un monde plus juste.
J’appelle au calme religieux, car la France est un de ces rares pays qui possède un trésor inestimable, un trésor unique, si l’on sait comment l’utiliser et le respecter : celui de la laïcité.
La loi de 1905 a permis que les religions cohabitent, et la représentation des trois grandes religions françaises est une marque du respect que nous nous portons les uns aux autres et du vivre-ensemble qui doit prédominer. Je sais que la peur règne. Je sais que la communauté juive craint pour sa sécurité. Elle supporte depuis tant d’années.
Comment cela pourrait-il en être autrement, quand l’une des vôtres subit dans sa chair le traumatisme de tout un peuple ?
Nous rejetons en bloc l’antisémitisme. Il y a quelques années, Courbevoie soutenait Gilad Shalit.
Nous n’étions pas nombreux en France à nous en soucier. Et à quelques mètres de nous, depuis le mois d’octobre, le portrait des otages est affiché. Ces portraits, ils resteront jusqu’à la libération du dernier.
Aujourd’hui, j’invite chacun d’entre nous, à conscientiser librement dans son for intérieur son attachement profond aux valeurs de liberté, égalité et fraternité qui bâtissent la France, qui nous dominent littéralement, et qui l’unissent dans un idéal si grand, si noble qu’il la dépasse.
Mesdames et messieurs, ce matin enfin, j’appelle au calme politique. La campagne des élections européennes a semé le trouble. Elle a pu susciter une perte de repères, chez certains responsables politiques, comme chez certains Français.
À l’aube d’une nouvelle élection, pensons aux jeunes qui nous sont confiés. Quel monde voulons-nous leur léguer ? Quel avenir pour les générations futures déboussolées ?
Je ne reviendrai pas sur les criminels qui ont commis ce viol odieux. Je mesure qu’à leur jeune âge, ils ne devraient mériter que notre pitié, mais je n’y parviens pas. Depuis que j’ai appris cette horreur, moi aussi je refoule ma colère.
Je suis un père de famille, et un maire, un représentant de l’ordre public, et je me dois de porter l’espoir. Je ne peux qu’encourager les parents, le corps enseignant, les éducateurs, les responsables religieux, les autorités, les adultes, nous tous au fond, à transmettre sans relâche le gout du vrai, du beau, et du juste. C’est exigeant : veiller à ne pas faire d’amalgames, être en vérité, et aussi se taire, quand les circonstances sont nécessaires.
Aujourd’hui, je réalise tristement, qu’il y a un peu plus d’an, je me tenais à cette même place, sur le perron de cette mairie, entouré du conseil municipal, pour pleurer la mort de Dominique Bernard. Et avant lui celle de Samuel Paty.
Quelles réponses avancer face à tout cela ? La désunion ne mène à rien, et l’unité réconcilie. Malgré la colère et la tristesse qui sont plus que légitimes, nous ne devons pas, nous ne pouvons pas, nous laisser aller au désespoir.
En préparant ce discours, j’ai été ému de retomber sur cet écrit poignant de la jeune Etty HILLESUM, penseuse juive hollandaise, déportée en septembre 1943 à Auschwitz : sa force d’âme, son regard sur le monde, son sursaut de lumière sont des exemples pour nous tous. Je vous laisser méditer ce passage puissant. « Il y aura toujours, certes, de la souffrance et des guerres. Mais il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de la façon dont nous les supportons, dont nous les vivons et dont nous les transcendons. Nous devons puiser en nous-mêmes une paix véritable, une paix qui ne dépend pas des circonstances extérieures, une paix qui demeure même dans le tourment. Cette paix intérieure est peut-être la seule paix réelle. La seule qui puisse apporter une véritable consolation et une force réelle. Elle ne réside pas dans l'absence de conflit, mais dans notre capacité à vivre pleinement et consciemment chaque moment, à trouver une lumière dans les ténèbres. »
En ayant toujours à l’esprit cette jeune fille et sa famille, je vous invite, symboliquement, à écouter le texte d’espoir lu par deux jeunes de notre Conseil municipal.
Je vous remercie de votre présence, et de votre attention.