Transformation autour de Gambetta
Introduction
Porter notre attention sur une voie d’entrée historique de Courbevoie, l’axe Gambetta - Charras, qui relie La Défense au quartier Coeur-de-Ville, c’est le propos de cette exposition "Transformation autour de Gambetta". Elle rassemble des images grand format, pour certaines inédites, du XXe siècle à nos jours, issues de plusieurs fonds d’images : archives de la Ville, du musée Roybet Fould, de Paris La Défense, d’agences photographiques et de photographes indépendants, tels que Jean Pottier, qui a largement documenté Courbevoie.
C’est un témoignage sur les mutations urbaines à travers les temps forts qui ont rythmé ce boulevard et ce quartier. Retracer l’histoire de Gambetta, de ce quartier du "Bas Courbevoie", c’est repartir de la création de la caserne Charras en 1756, et rappeler qu’elle est liée à la position de Courbevoie, face à la Seine et au Bassin parisien, au croisement d’axes majeurs, royaux, militaires, et religieux, et qu’elle va fortement concourir au développement de la commune.
Au XIXe siècle, Courbevoie existe à travers des quartiers très différents, qui ne se rejoignent pas nécessairement. Près de la gare et du parc de Bécon, les demeures bourgeoises, aristocratiques ; et plus loin, vers Puteaux, de grands espaces encore peu utilisés, les petits artisans et les habitations vétustes d’ouvriers. La réflexion municipale sur la question du centre-ville commence à émerger, et fera l’objet d’un questionnement constant et toujours actuel. Les conceptions modernistes qui marqueront l’urbanisme du XXe siècle font leur apparition, avec leurs grands chantiers d’aménagement. Après-guerre, la création du quartier d’affaires de La Défense et celle du centre Charras, construits selon ces principes d’un nouvel urbanisme, associé à la modernité et au développement, transforment le quartier et vont marquer l’identité de Courbevoie. Puis, plus contemporaines, les revalorisations de l’avenue rendent l’espace public aux habitants.
Ces photographies, qu’elles soient documentaires ou fonctionnelles, issues pour une majeure partie des archives de la Ville, sont produites dans l’intention de rendre compte. Si certaines font preuve d’un réel sens esthétique, toutes mettent en lumière la relation entre l’homme, son environnement, le bâti et le paysage, dans un langage immédiat.
En montrant ce qui n’est plus, ce qui a été effacé, oublié, ou au contraire construit, elles réactivent le récit de nos vies et de notre société.
Galerie
1974. Vue de l’axe Gambetta - Charras Jean PottierCarte postale non datée DR - Musée Roybet FouldCarte postale de 1909 DR - Musée Roybet FouldLa position de Courbevoie est unique, face à la Seine et au Bassin parisien. Elle se situe au croisement d’axes majeurs : le domaine royal de Saint-Germain à l’Ouest, Paris à l’Est, Saint-Denis avec sa basilique au Nord et, depuis Louis XIV, Versailles, au Sud. La butte surplombant la vallée de Paris est alors idéale pour établir une caserne. Le bâtiment militaire, future caserne Charras, en hommage à deux officiers républicains, le général Joseph Charras et son fils le colonel Jean-Baptiste-Adolphe Charras, abritera les Gardes suisses qui constituent le régiment personnel du roi. Le corps principal voit le jour en 1756, sur les plans de l’architecte Charles-Axel Guillaumot, bâti sur un terrain de 10 hectares situé entre le centre du village et la rue de Bezons, dans un style inspiré de Vauban. Aux temps les plus forts de la caserne Charras, cinq compagnies vivent à Courbevoie, ce qui entraîne la construction de nouveaux bâtiments de service, et l’arrivée de nombreux commerçants, artisans, cafetiers, cabaretiers, blanchisseurs. De village, Courbevoie se transforme alors en petite ville.Caserne de courbevoie - L'Horloge, La corvée de quartier - 1900 Carte postale 9FI/COU_106 conservée aux Archives départementales des Hauts-de-SeineEntrée de la caserne et la Rue de Bezon - 1900 Carte postale 9FI/COU_229 conservée aux Archives départementales des Hauts-de-Seine
À l'aube du XXe siècle
Description
L’édification du rond-point de La Défense en 1883 et de l’avenue de la Caserne (qui devient plus tard Gambetta) facilitent les échanges entre Courbevoie, la caserne et Paris. Les compagnies de militaires qui se succèdent impriment leur marque sur la ville. Les commerces, tavernes et restaurants dynamisent et rythment la vie du quartier. Une place d’armes est aménagée, avec en son centre un kiosque à musique (à l’emplacement de l’actuel parc Freudenstadt). C’est un lieu de vie important comme tout espace public. Les Courbevoisiens y nouent des liens et écoutent des concerts.
Galerie
1908 DR - Archives de la Ville de Courbevoie1938 DR - Archives de la Ville de CourbevoieFin XIXe, l’avenue Gambetta se transforme : la chaussée centrale est supprimée afin d’assainir les habitations et faciliter un meilleur écoulement des eaux. Les deux chaussées latérales, encore existantes aujourd’hui, sont créées. À partir de 1900, une centaine de marchands ambulants s’installent sur le large terre-plein central deux fois par semaine. À partir de 1925, l’avenue s’urbanise, de grands immeubles sont construits tout au long de la voie. Le terre-plein est aménagé avec des fontaines, statues et petits bassins.L'Avenue Gambetta - 1900 Carte postale 9FI/COU_7 conservée aux Archives départementales des Hauts-de-SeineAvenue Gambetta - 1900 Carte postale 9FI/COU_9 conservée aux Archives départementales des Hauts-de-SeineMonument de la Défense - 1900 Carte postale 9FI/COU_116 conservée aux Archives départementales des Hauts-de-Seine1957 - Place de La Défense Jean PottierEn 1878, le conseil général de la Seine ouvre un concours "pour créer une oeuvre d’art commémorant la Défense de Paris" à savoir la résistance parisienne lors de la guerre contre les Prussiens de 1870-1871. Le projet du sculpteur Louis-Ernest Barrias est choisi. Le 12 août 1883 est inaugurée avec faste la statue placée au centre du rond-point, nommé place de La Défense de Paris. Elle donnera son nom au quartier d’affaires près d’un siècle plus tard. Après-guerre, le service d’aménagement de la région parisienne se fixe en effet comme objectif prioritaire de "faire de la voie triomphale (qui part du Louvre et grimpe vers les Champs-Élysées, l’Arc de Triomphe jusqu’à la statue de La Défense) un axe d’urbanisation autant que de pénétration".
Naissance de la Défense et vie de la caserne Charras
Description
Première construction sur le rond-point de La Défense, alors que l’établissement public d’aménagement de La Défense, l’Epad, n’est pas encore constitué, le Centre national des industries et techniques permet d’accueillir de grands salons populaires. Avec sa voûte spectaculaire, il exerce un effet d’entraînement.
Le projet de créer un centre d’affaires entièrement nouveau à quelques kilomètres de l’Étoile, dont le périmètre couvre les communes de Courbevoie, Puteaux et Nanterre, a pour mission de faire de l’Ouest parisien un "nouveau Manhattan", une zone de grande prospérité éloignée des infortunes de la dernière guerre.
Galerie
Photographie aérienne de 1978 Département des Hauts-de-Seine (dalle 1644_8189)La caserne Charras DR - Archives de la Ville de CourbevoieDe nombreux régiments et corps militaires se succèdent dans la caserne au cours de ses deux cents ans d’existence, dont les bataillons de tirailleurs sénégalais ou l’école des officiers de la Gendarmerie nationale. Plusieurs personnages célèbres y séjournent aussi : le poète Alfred de Vigny, engagé comme sous-lieutenant en 1815, et Serge Gainsbourg, lors de son service militaire en 1948.Années 60 Studios Deschamp - Archives de la Ville de CourbevoieAnnées 60 Studios Deschamp - Archives de la Ville de Courbevoie
Les années post-Reconstruction
Description
L’emplacement de la caserne va laisser place au complexe immobilier et commercial Charras. Ce sont les années post-Reconstruction, apogée des Trente Glorieuses. Les habitations individuelles, les petits immeubles et ateliers, les hangars... laissent la place à de hauts édifices, symboles de modernité.
Galerie
Années 60 Studios Deschamp - Archives de la Ville de CourbevoieAnnées 60 Studios Deschamp - Archives de la Ville de CourbevoieLa caserne, jugée trop vétuste pour être rénovée, est achetée par la Ville en 1961, puis détruite. La façade du bâtiment central des anciennes casernes, classée monument historique, est démontée pierre par pierre et remontée au parc de Bécon, où elle est toujours visible.1963 Studios Deschamp - Archives de la Ville de CourbevoieAnnées 60 Studios Deschamp - Archives de la Ville de Courbevoie
Les nouveaux ensembles
Description
Durant la seconde moitié du XXe siècle, les villes connaissent d’importants changements. À Courbevoie, la future avenue Gambetta voit naître de part et d’autre deux projets innovants : le quartier d’affaires de La Défense et le complexe Charras. Ces deux ensembles font aujourd’hui partie intégrante de l’identité de la ville. Conçue à partir des années 1960, La Défense est le fruit des conceptions urbanistiques véhiculées par la charte d’Athènes (1933),
véritable traité du fonctionnalisme architectural. Les principes de ce mouvement moderne sont inspirés par l’architecte et urbaniste Le Corbusier : construction de tours en hauteur pour favoriser la lumière, absence de rues, recouvrement des circulations mécaniques (RER, train, métro, routes) par une dalle dédiée aux piétons.
Très moderne à l’époque, le centre Charras intègre à la fois un centre commercial, un hôtel, une piscine olympique, une patinoire, des maisons d’artiste, une crèche, des parkings publics et privés, une station-service et environ 1200 logements, dans des tours d’habitations nommées Les Poissons, Les Gémeaux (sur la photo), Le Verseau, Le Capricorne...
L’ouvrage compte une toiture en terrasse de trois hectares, dont deux d’espaces publics qui constituent la place Charles-de-Gaulle. De sa réalisation à aujourd’hui, Charras marque fortement le paysage du centre-ville.
Galerie
1968 Studios Deschamp - Archives de la Ville de Courbevoie1966-1971 Studios Deschamp - Archives de la Ville de CourbevoieLe centre Charras respecte le principe énoncé dans la charte d’Athènes de séparation des flux routiers et piétons. En ce sens, il peut être perçu comme un prolongement de La Défense dans le centre-ville. La première Zac (Zone d’aménagement concertée) de France fut élaborée dans un esprit de transition architecturale entre les tours qui s’élevaient les unes après les autres dans le secteur de La Défense et le reste de la commune.1968-1971 Studios Deschamp - Archives de la Ville de Courbevoie1966-1971 Studios Deschamp - Archives de la Ville de Courbevoie1966-1971 Studios Deschamp - Archives de la Ville de Courbevoie
La vie à Charras dans les années 70
Description
La vie à Charras photographiée par Jean Pottier, photojournaliste courbevoisien, qui a largement documenté les mutations de la ville au cours d’une carrière de plus de cinquante ans et qui a fait l’objet de plusieurs expositions ces dernières années.
Galerie
La patinoire en 1972 Jean Pottier1976 Jean PottierÀ gauche, le parking est situé sur l’actuel parc Freudenstadt. Philippe Coqueux - Archives de la Ville de Courbevoie1970-1971 Philippe Coqueux - Archives de la Ville de CourbevoieC’est la période du "tout-voiture". Jusque dans les années 1990, il n’y avait aucune limitation de vitesse en ville, ce qui correspondait aux choix d’aménagement de l’époque. L’autopont, appelé viaduc ou encore rocade Gambetta a pour objectif de mieux répartir les véhicules. Cet ouvrage d’art façonnera l’entrée dans la ville depuis le quartier d’affaires pendant trente ans.1971, vue de l’autopont en direction de La Défense Philippe Coqueux - Archives de la Ville de Courbevoie
Années 70 et 80 : Théâtre et cinéma
Description
Le Théâtre Groupe est un projet du metteur en scène et comédien Patrick Antoine en 1968, par la suite réalisateur pour le cinéma et la télévision. Il commande à l’architecte Pascal Haüsermann, pionnier du renouvellement des formes de l’architecture et de l’urbanisme dans les années 1960, défenseur de la modularité, une structure inédite, capable de flotter sur le lac Léman, pour se produire avec sa troupe, à Genève notamment. L’architecte dessine alors une sphère principale haute de 17 mètres pour la salle de spectacle, et la seconde, de 15 mètres de haut, pour la scène, pouvant prendre 19 configurations différentes. L’armature de l’ensemble est recouverte de toiles de plastique.
Construit à Thonon, le Théâtre Groupe fut transporté et monté à Saint-Herblain, puis à Courbevoie, avenue Gambetta, en 1972.
On pouvait lire sur un panneau présentant le théâtre : "Il faut que les hommes, les enfants, les musiques, les formes, les couleurs, les théâtres d’ici et d’ailleurs se rencontrent."
Galerie
1972. Le Théâtre Groupe Jean PottierLe théâtre Groupe Jean Pottier1986 Jean PottierUne photographie de la démolition du groupe scolaire Jules-Ferry par Jean Pottier. Construit en 1929, il fait place de nos jours à la tour Eqho (à l’origine la tour Descartes, siège d’IBM). L’implantation des sièges sociaux de grandes firmes à La Défense fait passer 1986 Courbevoie du secteur industriel au secteur tertiaire1985 DR - Archives de la ville de CourbevoieLes scènes du tournage du film de Claude Lelouch, Un Homme et une Femme, 20 ans déjà avec Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant, se déroulent non loin de l’avenue Gambetta devant le groupe scolaire Jules-Ferry. L’autopont est visible également dans les scènes du film. D’autres tournages ont également eu lieu dans le quartier : Peur sur la ville de Henri Verneuil, en 1975, avec Jean-Paul Belmondo, Charles Denner et Léa Massari, dont une scène se situe dans la tour Les Poissons. Et Cousin, Cousine, de Jean-Charles Tacchella, sorti en 1975 avec Marie-Christine Barrault et Victor Lanoux, comportant des scènes tournées à la piscine Charras.1985 DR - Archives de la ville de Courbevoie
Les années 2000
Description
Au début des années 2000, le quartier de La Défense entre dans une phase de rénovation, notamment pour repenser le boulevard circulaire, perçu comme un rempart entre La Défense et les quartiers alentour.
En janvier 2004 commence la destruction du viaduc Gambetta, qui enjambe ce boulevard circulaire.
En 1994, la charte d’Athènes est remplacée par la charte d’Aalborg. Elle lance de nouveaux défis à La Défense en s’axant sur le développement durable.
Elle lui permettra d’évoluer en intégrant davantage les besoins des citoyens.
On rend l’espace public aux habitants en aménageant les rues, en élargissant les trottoirs, en plantant des arbres à la place d’un autopont... Une "coulée verte" voit le jour sur le cours Gambetta.
Galerie
2014 : Vue aérienne du quartier d’affaires de La Défense jusqu’au coeur de ville de Courbevoie Philippe Guignard - Air Images2008 Yann Rossignol2008 Yann RossignolexpoGambetta8d.jpg Julien JaulinEn mars 2017, Julien Jaulin, photojournaliste indépendant, pose son regard sur la dalle Charras, la tour Les Poissons, dont on fête le 50e anniversaire cette année, et, en arrière-plan, les tours de l’avenue Gambetta.