Le pavillon Suède-Norvège
Ce pavillon demeure un exemple rare de remontage complet d’un édifice issu de l’Exposition universelle de 1878. Reconstruit à l’identique, il conserve sa structure d’origine et son organisation intérieure. Son architecture préfabriquée scandinave est l’œuvre de l’architecte norvégien Henrik Thrap-Meyer (1833-1910).
Les Royaumes unis de Suède et de Norvège forment, entre 1814 et 1905, une union personnelle qui repose sur la base d’un contrat établi entre les deux états. Cette alliance forcée résulte d’un processus de négociations né après la séparation du Danemark et de la Norvège en 1814. Présents dès 1851, à l’Exposition londonienne, les deux états exposent séparément sous le commissariat d’un représentant de chaque pays. Ce choix identitaire prévaut également dans les produits : pour la Suède, la typographie, l’industrie du papier, les instruments de météorologie, l’horlogerie, la céramique, la verrerie, l’orfèvrerie, le textile… et pour la Norvège, la cartographie, le mobilier, la poterie, des spécimens métallurgiques, des modèles de bateaux, la pelleterie, la pêche et des machines à travailler le bois…
Installé dans la Rue des Nations, au cœur de l’Exposition de 1878, le bâtiment offre un panel exhaustif des produits des deux états réunis dans un même bâtiment, ce qui revêt un caractère exceptionnel. De la même manière, les choix opérés par l’architecte manifestent une volonté d’unification qui relève plus de la diplomatie que d’une réalité politique. L’architecte organise la façade en deux corps de bâtiment distincts, tant par leur hauteur que leur agencement, réunis par une galerie centrale, symbole de l’alliance de la Suède (gauche) et de la Norvège (droite). Contrairement à d’autres pavillons étrangers construits par des architectes ou des ingénieurs français, celui-ci est conçu en Norvège, fabriqué sur place et transporté en bateau puis en train depuis Christiania (capitale de la Norvège de 1814 à 1924, actuelle Oslo) jusqu’à Paris.
La maison d’un prince et d’une artiste
Si on a longtemps pensé que le pavillon Suède-Norvège avait été remonté, à Courbevoie, pour être offert à l’artiste-peintre Consuelo Fould au moment de ses débuts artistiques (1885), il semble qu’en réalité le prince roumain Georges Stirbey l’avait initialement acquis pour sa propre jouissance.
En effet, la presse fournit de précieuses informations à ce sujet. Le pavillon fut acquis dès la fermeture de l’Exposition pour être remonté entre février et août 1879 à son emplacement actuel. L’édifice qui est une simple façade exposée dans la Rue des Nations vient s’accrocher à un ancien pavillon en pierre dont il forme le prolongement arrière. Orienté vers la Seine, face à la plaine des Sablons, de l’île-de-la-Jatte, le pavillon est tourné vers Paris. Dès 1869, le prince roumain Georges Stirbey, en exil pour raisons politiques, fait l’acquisition avec Valérie Simonin, épouse de Gustave Fould et mère de deux filles, de terrains à vendre dans le quartier de Bécon, à Courbevoie. En instance de divorce, Mme Fould établit les actes aux noms de ses filles, Consuelo et Achille Valérie Fould (dite Mlle Achille-Fould) qui seront donc propriétaires. Elles grandissent à Paris ; Courbevoie n’est alors qu’une propriété de villégiature au sein de laquelle de nombreux artistes seront reçus, notamment Jean-Baptiste Carpeaux.
Les circonstances de transmission du pavillon Suède-Norvège à Consuelo Fould demeurent inconnues. En 1895, date du mariage de sa mère avec le prince Stirbey, on fait agrandir la façade, côté boulevard Saint-Denis, par l’adjonction d’un atelier d’artiste par l’architecte de la famille, Gabriel Pasquier. Le pavillon devenu la propriété de Consuelo Fould (en 1909 ?) est légué à la ville au terme d’un testament (1927) qui institue le lieu comme un musée consacré à l’œuvre du peintre et ami Ferdinand Roybet (1840-1920). Hébergé dans l’ancien Pavillon de la Suède et de la Norvège, le musée est inscrit au titre des Monuments historiques depuis le 27 mai 1987.
« La façade […] se compose de deux pavillons : l’un étroit, à deux étages, dont le rez-de-chaussée est percé de deux baies en plein cintre, réunies par une colonne à chapiteau scaphoïde, le premier étage de trois, le deuxième étage de cinq baies semblables, surmontées d’un pignon conique ; c’est le pavillon de la Suède ; l’autre, plus large, a un seul étage, percé, comme le rez-de-chaussée, de quatre baies isolées en plein cintre et ayant l’aspect d’un chalet ; c’est celui de la Norwège. Ces deux pavillons sont réunis par un corps de bâtiment plus bas, de même style que le pavillon suédois, avec un premier étage unique percé de deux fenêtres ; à droite de cette construction, se trouve l’entrée des galeries intérieures, abritée par un porche que soutiennent les mêmes colonnes à chapiteau byzantin. Cette construction élégante, caractéristique, une des mieux conçues de la rue des Nations, est en sapin rouge pour les encadrements et blanc pour les pleins ; elle ne frappe pas d’abord, ne tire pas l’œil, comme on dit ; il faut s’en approcher et daigner l’étudier un peu, mais ce n’est pas du temps perdu ».