Le palais indien
La Grande-Bretagne tient une place prépondérante au sein des Expositions universelles comme acteur principal, occupant de surcroît la plus grande superficie accordée à une section étrangère. En 1878, elle présente un ensemble conséquent de stands et de pavillons aux architectures traditionnelles. Pour la section indienne, le prince de Galles, futur roi d’Angleterre Edouard VII, commande une somptueuse vitrine à l’architecte Sir Caspar Purdon Clarke. Responsable des collections indiennes du South Kensington Museum à Londres, ce dernier fait office de coordinateur de la section qui présente 12 000 objets issus des collections royales et de manufactures indiennes ou anglaises. Dans le pavillon sont exposées des pièces de très belles factures dont certaines produites par les deux principales écoles d’art indiennes à Lahore et à Bombay.
Après l’exposition, dès décembre 1878, chaque nation doit démonter son installation et restituer les espaces. Le palais indien est ainsi divisé en plusieurs lots pour être vendus. L’entrepreneur Charles Prévet et M. Des Fossés, banquier et administrateur du Figaro, font l’acquisition des deux bâtiments principaux qu’ils remontent sur la plage de Paramé (Saint-Malo) et louent en villégiature d’été. Endommagées par une tempête en 1905, les constructions sont détruites en 1924. Les terrains accueillent ensuite un golf puis deux maisons jumelles, depuis les années 1960.
En 1879, lors des ventes de liquidations, la famille Fould acquiert une autre section du palais des Indes dont la presse nous apprend qu’elle fut achetée par Valérie Simonin, épouse divorcée de Gustave Fould. Contrairement aux hypothèses envisagées, le petit palais fut remonté, dès 1879, d’abord à Asnières où la famille Fould eut plusieurs adresses avant d’être reconstruit à nouveau, après 1900, à Courbevoie, à son emplacement actuel. Il est agrandi par la construction d’un atelier d’artiste pour la peintre Mlle Georges Achille-Fould Stirbey, seconde fille de Valérie Simonin, qui en devient propriétaire jusqu’en 1951, date de son décès à Uccle, en Belgique.
« Construit par ordre de S.A.R le prince de Galles et contenant les merveilles que le prince a rapportées de son voyage dans les Indes : cachemires, étoffes précieuses, costumes nationaux, armes de luxe, etc… […] ces trésors sont exposés autour de ce petit palais et occupent tout ce côté du vestibule. Cette construction, toute de bois ouvragé, découpé à jour, mesure 50 mètres de longueur sur 40 de largeur et 12 de hauteur. Elle est conçue dans le style indien le plus pur. Huit dômes la surmontent. On a calculé qu’elle avait exigé l’emploi de plus de trois mille pièces de bois. Au milieu des richesses qui entourent le palais indien, on remarque une belle statue équestre de S.A.R. le prince de Galles, offerte par Sir Albert Sassoon, de Bombay, à l’occasion du voyage de ce prince dans l’Inde, en 1875-76. Le socle de cette statue porte deux bas-reliefs représentant des épisodes du voyage. Sur une plaque en cuivre on lit cette indication : « Bronzé par le procédé de métallisation de Danielli, boulevard Saint-Germain, 152 ».
EXPOSITION UNIVERSELLE 1878, GUIDE-ITINÉRAIRE DU VISITEUR CONTENANT UN RÉSUMÉ DESCRIPTIF ET TECHNIQUE DE CHAQUE CLASSE D’EXPOSANTS, PARIS, E. DENTU, 1878, P.46
« Le tout est placé sous des vitrines, étalé sur des tables, ou renfermé dans le pavillon indien et ce pavillon n’est pas une des moindres curiosités de la section. Il est tout en bois noir et se compose dans son gros œuvre de deux ailes reliées par une terrasse, et que surmontent deux groupes de huit dômes dont quatre grands et quatre petits. D’élégantes et sveltes colonnettes, réunies par des arceaux de forme ogivale, règnent le long de la terrasse : ils en supportent la balustrade ainsi que les porches des massifs latéraux. On retrouve là, de même que dans le modèle en ivoire de la façade du palais de Rumnuggur qui regarde le Gange, les motifs les plus gracieux de l’architecture civile de l’Inde, tandis que le modèle de la grande pagode de Tanjore, avec sa haute tour pyramidale, reproduit le type de son architecture sacrée. Mais ce qu’au témoignage unanime des voyageurs aucun modèle ne peut rendre, aucune plume décrire, aucune gravure représenter, ce sont les jeux de la chaude lumière du ciel indien sur les murailles sculptées des temples et des palais, sur leurs marbres de toutes couleurs, sur leurs dômes étincelants de blancheur, sur leurs pinacles dorés, leurs minarets rayés, leurs arcades et leurs piliers. »
LAMARRE, CLOVIS, FROUT DE FONTPERTUIS, ADALBERT L’INDE BRITANNIQUE ET L’EXPOSITION DE 1878
PARIS, LIBRAIRIE CHARLES DELAGRAVE, 1878, P.156-159