Ferdinand Roybet rencontre Juana Romani alors qu’elle débute son activité de modèle. Le peintre est installé depuis 1880 dans un nouvel atelier, 1 place Pigalle, dans le même immeuble que celui de Jean-Jacques Henner. Du fait de la présence de nombreux ateliers d’artistes autour de cette place, une communauté de modèles, femmes comme hommes, s’y retrouve quotidiennement à la recherche d’une séance. La jeune Italienne fréquente alors les ateliers du quartier de la Nouvelle Athènes devenant, à partir de 1884, l’égérie de plusieurs peintres ou sculpteurs. Elle pose à ce moment-là pour Roybet dans des scènes collectives telle La Chanson à boire (1884) ou la première version de La main chaude (1885). De jeune modèle, Juana Romani devient, à compter de 1886, l’élève puis la muse du peintre. Les deux artistes travaillent ensemble, de 1888 jusqu’à l’internement de la peintre en 1906. Roybet décède en 1920 et Juana Romani trois ans plus tard.
 
Juana Romani installe en 1894 son atelier au 24 de la rue du Mont-Thabor qui est
aussi le lieu de travail de Roybet. C’est un environnement baroque où la peintre utilise les accessoires mis à sa disposition tout en se formant au rendu tactile des matières. Du moment de sa formation, trois compositions attestent de la proximité avec son maître : une étude de Casque, un Reître et un Autoportrait. Plus tard, ce sont les tissus qui attirent toute l’attention de la jeune peintre qui en fait un élément structurel de ses compositions. Collectionneur attentif, Roybet conserve en effet un ensemble de costumes anciens utilisés pour habiller ses amis qui posent pour lui (Louis Prétet, Aristide Vigneron, Charles Waltner…). Dans L’Œuvre (vers 1896), Juana Romani se prête ainsi au jeu de la séance de pose portant une tunique rouge évoquant la dalmaticelle liturgique portée en Espagne (sorte de dalmatique) visible sur ses propres compositions. Au-devant d’elle, le maître, habillé d’une fraise godronnée, se portraiture devant un tableau invisible à la manière de Velázquez dans Les Ménines (Madrid, musée du Prado). Roybet et Juana Romani partagent une culture artistique commune. Ils ont une parfaite connaissance de l’œuvre du maître espagnol qu’ils complètent, entre septembre et novembre 1893, par un voyage à Madrid. Ils sont aussi tous deux appréciés comme experts de l’œuvre de Rembrandt.
 
Aussi, leur travail doit-il être abordé communément tout en respectant des choix stylistiques propres. Le musée Roybet Fould conserve près de quatre-vingt-dix portraits de Juana Romani par Roybet dont une majorité de dessins préparatoires pour des œuvres importantes du maître.